NOU LÉ KAPAB

Association loi 1901, créée en 2009 (contact@noulekapab.com)

Différentes façons de vivre le chômage à La Réunion

Le chômage à La Réunion bat tous les records. Plus fort qu’en Espagne, insistent les dirigeants politiques. Les femmes en recherche d’emploi sont plus nombreuses que les hommes. Si certains se laissent aller à la fatalité, la population inactive souhaitant travailler est en constante augmentation. Il en est même qui soutiennent que les gouvernements successifs ne seraient que des machines à fabriquer des chômeurs.

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Bien souvent, les personnes confrontées au chômage dans leur existence quotidienne, sont discrètes, presque effacées de la vie sociale. Il est vrai que le chômage est souvent associé à un sentiment, plus ou moins accusé, de honte et de culpabilité, qui pousse à réduire ses activités sociales, à restreindre ses contacts avec autrui, à dissimuler sa condition.

"L’absence de travail peut bouleverser de fond en comble toute la vie individuelle et collective. La perte d’emploi, pour une frange des personnes, entraîne une baisse de l’activité sociale. Les activités culturelles très denses jusque-là tendent à se réduire. La vie associative tend aussi à être interrompue alors que paradoxalement ces personnes disposent de plus de temps pour s’y consacrer," note ce psychologue, fréquemment en prise directe avec des personnes en rupture avec le monde du travail.

Il y a autant de façon de vivre le chômage qu’il y a de chômeurs. Tout dépend du niveau social, de l’environnement familial, de l’âge, de la psychologie… Il y a ceux qui acceptant mal cette inactivité brutale et contrainte, se sentent humiliés jusqu’au désespoir. "Le manque de perspectives, le sentiment d’impuissance devant l’échec répété de toute recherche d’un emploi, la fatalité, pèsent considérablement et certaines personnes frôlent la dépression. On en a même vu dont la vie a complètement basculé," poursuit notre interlocuteur.

Si l’attitude à la résignation et l’adaptation à "une vie sans but, sans espoir", prime chez certains, il en est d’autres dont la perception de cette traversée du désert est différente. Nombreux sont ceux qui continuent à avoir une activité soutenue. Tel le roseau, ces personnes plient mais ne se brisent pas. Elles sont stables, nourrissent des projets, gardent espoir en l’avenir et poursuivent leur recherche.

"J’ai rompu avec mon entreprise l’an passé parce que j’étais au bord de la dépression. C’était une nécessité. Aujourd’hui, je suis en recherche d’emploi, mais je n’attends pas que tout me tombe du ciel. Je multiplie les contacts, je fais partie de réseaux associatifs, j’apporte mon concours bénévole à ceux qui le souhaitent," raconte Loïc, marié, père de deux enfants.

"Il n’y a pas d’emplois mais il y a de l’activité"

Quelque 2,2 % des personnes actuellement en recherche d’emploi, le sont suite à une démission. Les services de Pôle Emploi en ont enregistré 210 en décembre dernier. À 40 ans, Loïc fait partie des 48 250 demandeurs d’emploi âgés de 25 à 49 ans recensés en décembre de l’année dernière. "Fin décembre 2012, à La Réunion, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 0,6 % pour les hommes et de 0,4 % pour les femmes," note un rapport de la DIECCTE (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi).

"Ici à La Réunion, les gens ont envie de travailler, mais les systèmes politiques quels qu’ils soient ne créent pas les conditions," tempête Georges Arhiman, longtemps tête de pont du "Groupement des chômeurs actifs", devenu aujourd’hui chef de file du "Maillon économique".

À l’en croire, à La Réunion : "Il n’y a pas d’emplois mais il y a de l’activité. Elles sont nombreuses les personnes qui peuvent se rendre utiles au sein d’associations, d’ateliers de proximité." Et de donner en exemples les initiatives pleines de sens, nées ces derniers temps au sein de sa propre association.

Ainsi, l’opération "Panier du consommateur" offre aux familles quelque 20 produits essentiels tous les mois, pour 30 euros. L’opération "Potager insertion" permet à des tiers de mettre en valeur des terrains que certaines familles laissent en jachères.

C’est ainsi au quotidien que des personnes élaborent dans la discrétion des stratégies de survie afin de résister à un système qui les répugne. Loin d’être des "parasites inutiles", ces naufragés (volontaires ou pas) nous invitent à réfléchir sur un nouveau modèle de société

Textes : Juliane Poninballom, Séverine Dargent, Alain Junot - Clicanoo - 21 février 2013

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