NOU LÉ KAPAB

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Où sont les jeunes Réunionnais ?

Par Manuel Marchal, le mardi 17 août 2010, Témoignages, lien

 

À 14h30 à l’amphithéâtre Thérésien Cadet du campus du Moufia a lieu l’accueil par le recteur des nouveaux fonctionnaires mutés dans l’Académie de La Réunion. À la veille de la visite d’un ministre qui vient apparemment pour se moquer des Réunionnais, les 72.000 jeunes condamnés au chômage, à la précarité ou aux emplois sous-qualifiés et donc sous-payés sauront aujourd’hui et demain à quelle porte frapper pour avoir des explications sur les raisons de leur exclusion sociale.


 Aujourd’hui, les jeunes Réunionnais pourront demander à l’administration pourquoi elle rend de plus en plus difficile l’accès des jeunes diplômés réunionnais aux emplois durables dans l’Éducation nationale alors que les besoins sont énormes dans notre pays. (photo MM)

 

72.000 jeunes Réunionnais au chômage ou en emploi partagent un point commun : ils veulent un travail. Une partie d’entre eux a passé au moins 10 ans dans un système scolaire à la sortie duquel ils n’ont pas pu avoir la moindre reconnaissance de qualification. Pire encore pour un certain nombre : plus de 10 ans dans l’Éducation nationale ne leur ont pas permis d’apprendre à lire et à écrire.


Sans diplôme, ces jeunes sont touchés de plein fouet par le chômage de masse qui sévit dans notre pays depuis des décennies, quelles que soient les mesures prises par les gouvernements de diverses tendances politiques qui se succèdent à Paris.


Mais pour les jeunes qui ont réussi à valider une formation souvent de haut niveau, le diplôme aussi élevé soit-il ne constitue pas une protection contre le chômage. C’est la conséquence de cette crise structurelle marquée par la pénurie d’emploi que connaît notre pays.

 

L’Éducation nationale, gisement d’emplois

Dans de telles conditions, les regards de ces jeunes se tournent souvent vers la fonction publique et en particulier l’Éducation nationale. Du fait de la croissance de la population, les collectivités sont amenées à construire des écoles, des collèges, des lycées. Pour que notre pays puisse aller sur la voie du développement, il est indispensable d’accentuer les efforts faits pour augmenter le niveau de formation de la jeunesse. Car dans sa situation géographique, le principal atout de La Réunion est justement ce niveau de formation élevé de sa jeunesse. C’est une spécificité qui n’existe pas à des milliers de kilomètres à la ronde. Les besoins sont donc considérables, c’est là un véritable gisement d’emplois pour la jeunesse réunionnaise.


Comme le montre l’INSEE, c’est aujourd’hui dans l’enseignement que les jeunes trouvent le plus de débouchés. Mais dans le même temps, force est de constater que si les collectivités investissent dans la construction d’établissements scolaires, le nombre de places à l’IUFM a diminué entre 1998 et 2008. Chacun sait pourtant que c’est en suivant les cours de l’Institut de formation des maîtres, une structure gérée par l’État, qu’un étudiant peut préparer le concours d’entrée dans l’enseignement public dans les meilleures conditions.

 

Compétence égale ?

Comment alors expliquer ce décalage entre les besoins du pays et la gestion de ce besoin par l’administration ? Ce décalage a une conséquence, il permet l’arrivée chaque année de centaines d’enseignants venant d’autres Académie.


Ceci étant, chacun peut penser que cette pénurie de place à l’IUFM garantit à tous les Réunionnais le droit de travailler dans leur île.


Mais cela n’est pas le cas, comme le rappelle trois faits survenus durant l’année scolaire précédente et juste avant cette rentrée : les enseignants-stagiaires mobilisés pour ne pas être mutés en France, les professeurs affectation provisoire apprenant une mutation inattendue en France, les stagiaires mutés en France à peine reçus au concours.
Tout cela est très loin des mesures annoncées par le président de la République le 6 novembre dernier à la sortie du premier Conseil interministériel sur l’Outre-mer. Il s’agissait de privilégier à compétence égale le recrutement d’Ultramarins dans les postes de catégorie A de la fonction publique en Outre-mer. Une candidature d’au moins un Ultramarin devait être proposée pour chaque poste vacant en catégorie A Outre-mer. Cela voudrait donc dire que tous les nouveaux arrivants dans l’Académie de La Réunion sont originaires de La Réunion, mais les trois dernières mobilisations d’enseignants permettent d’en douter.


Tous les jeunes qui viendront cet après-midi au Campus du Moufia pourront donc constater l’écart considérable entre ces déclarations et la réalité, et demander au recteur et à l’administration des explications sur cette situation.

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